Perspectives d’avenir en matière d’excercice des exceptions au droit d’auteur. Vers un changement de paradigme?
Palabras clave:
exceptions, triple test, interprétation stricte, intérêt général, balance des intérêts, pouvoir du juge, lobbying, stratégie européenne, réformesResumen
Si les exceptions au droit d'auteur sont le centre de toutes les attentions, c'est qu'elles sont aussi le siège de toute une philosophie. Modifier leur perception, c'est donc également revoir un positionnement idéologique. Pourtant, l'environnement numérique oblige à repenser le sujet, démarche qui conduira, peut-être, à un changement de paradigme. Pour l'heure, les inflexions contemporaines mettent indéniablement en exergue l'évolution de la matière, au point que des propositions de réforme recommandent parfois une révolution.
En premier lieu, de lege lata, les perspectives en matière d'exceptions se concrétisent par une double évolution. D'abord, le fondement des exceptions est de moins en moins l'intérêt général. Les intérêts particuliers, d'ailleurs parfois parés du masque de l'intérêt commun, poussent à l'adoption d'exceptions nouvelles. Ce glissement est aussi le symptôme d'un mal plus général qui touche l'équilibre du droit d'auteur, sa balance des intérêts. En effet, on assiste à la fois à un délitement des catégories d'intérêts et à un glissement des intérêts favorisés. Ensuite, une nouvelle répartition des pouvoirs s'opère, à l'endroit des exceptions, entre le législateur et le juge. Cette redistribution se manifeste par un retrait du premier et une prise de pouvoir du second et ce, tant au niveau interne qu'européen. Cette double évolution peut être appréhendée comme l'antichambre d'une révolution.
En second lieu, la directive du 22 mai 2001 a mis en place quelques grands principes, touchant au triple test et aux exceptions elles-mêmes (caractères exhaustif, facultatif.). Ces traits spécifiques pourraient être remis en cause de lege ferenda. D'abord, de nombreuses relectures du triple test sont proposées par la doctrine: approche d'ouverture, de neutralisation, approche globale ou encore normative. Ensuite, des propositions législatives envisagent d'agir plus directement sur les exceptions. En particulier, la Commission européenne, dans sa communication du 24 mai dernier, annonce clairement sa volonté d'actualiser et d'harmoniser la portée des limitations. Deux voies s'offrent alors: des retouches ponctuelles de l'existant, en modifiant des conditions ou en ajoutant des exceptions, et, plus certainement, une réévaluation globale de la situation, qui imposera de régler des questions de fond. Notamment, doiton rendre certaines exceptions obligatoires (comme l'envisage d'ailleurs le Comité permanent du droit d'auteur et des droits connexes de l'OMPI, en faveur des déficients visuels)? En vertu de quel critère? L'Etat qui transpose une exception facultative est-il lié par le contenu normatif ou peut-il «nationaliser» la limitation? Etc. Des questions sont nombreuses, les solutions restent à construire.